Avec la norme 45003, l’ISO propose pour la première fois aux entreprises un guide sur la prévention des risques psychosociaux. La France, de son côté, n’a pas souhaité participer à son élaboration. Les entreprises françaises ne pourront pas obtenir de certification.
Il y a eu l’ISO 45001 sur le management de la santé et sécurité au travail, publiée il y a trois ans. Il y a désormais, pour l’accompagner, la norme ISO 45003 dédiée à la santé mentale au travail.
L’idée d’une norme sur ces risques n’avait pas convaincu la France. Le Coct (conseil d’orientation des conditions de travail), en 2018, avait fait valoir qu’un tel sujet « relève non de la normalisation mais de la règlementation et du dialogue social », et que « la normalisation ne peut être mobilisée pour aborder cette thématique ».
La norme 45003 a été mise gratuitement à disposition (dans sa version anglaise) de toute personne intéressée, dans le cadre de l’effort pour gérer la crise de Covid-19. Elle établit un principe : les organisations sont responsables de l’identification et de la réduction des risques et devraient « établir, mettre en œuvre et maintenir des processus continus et proactifs d’identifications des RPS (risques psychosociaux) ».
Mode d’emploi
La norme n’a pas vocation à proposer une certification, mais a été élaborée comme un guide. Des exemples de RPS sont décrits, avec des idées de mesures à mettre en place pour les éliminer ou, au moins, les minimiser.
« Les risques psychosociaux concernent l’organisation du travail, les facteurs sociaux au travail et les aspects de l’environnement de travail, les équipements et les tâches dangereuses. Les risques psychosociaux peuvent être présents dans toutes les organisations et tous les secteurs, et à partir de toutes sortes de tâches, d’équipements et de modalités d’emploi » : à partir de cette définition, les différents chapitres énumèrent ensuite les principaux points d’action des entreprises et les signes d’une exposition aux RPS.
Dans les grandes lignes, la norme établit que l’entreprise devrait identifier les risques (qu’ils soient internes ou externes), comprendre les attentes et besoins des salariés, faciliter l’engagement des managers et des dirigeants, établir une politique de santé au travail qui prend en compte les risques psychosociaux, consulter les salariés et instances représentatives du personnel et protéger les salariés qui rapportent des risques ou incidents de menaces ou représailles.
L’autre point important, c’est la planification de la prévention et de toutes les actions nécessaires pour limiter les risques. Il s’agit, concrètement, d’assurer la mise à jour des descriptions de postes, l’analyse des tâches ou des emplois du temps, la consultation des salariés, l’analyse des performance ou la mise en place d’inspections.
Absence française
Ces points, finalement, se rapprochent de ce qui est prévu en France par le code du travail. Il prévoit une obligation de sécurité qui impose à l’employeur d’évaluer les risques et de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés, en se fondant sur les principes généraux de prévention. À lui, à cet effet, de combattre les risques à la source et d’adapter le travail à l’homme, et de planifier la prévention en y intégrant « dans un ensemble cohérent la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel », écrit le code du travail (article L4121-2). Les entreprises françaises sont donc déjà soumises, de façon contraignante, aux mesures proposées dans la norme.
La France n’a, d’ailleurs, pas souhaité s’impliquer dans l’élaboration de la norme. « Sur la partie risques psychosociaux, les acteurs français souhaitent s’appuyer sur le dialogue social et ne pas s’inscrire dans une logique de normalisation », explique Émilie Brun, consultante formatrice QVT à Afnor Compétences. Elle souligne que le groupe Afnor ne se désintéresse pas pour autant de ces sujets, et vend de la formation et du conseil, soit directement auprès des entreprises, soit en formant consultants et cabinets conseil.
« Pas la panacée »
La norme n’est pas non plus défendue par la CES (Confédération européenne des syndicats). La secrétaire confédérale en charge de la normalisation est inquiète car, pour elle, il n’y a « garantie que les normes ISO sont conformes aux valeurs et aux droits de l’UE, ni qu’elles prévoient un rôle quelconque pour les syndicats et les parties prenantes de la société dans la normalisation, comme c’est le cas au niveau européen ».
« La normalisation n’est pas la panacée », rappelle la CES, notamment parce que certains points peuvent être mieux traités dans la loi ou les conventions collectives. Son souhait ? Que l’UE planche sur une directive dédiée aux risques psychosociaux, laquelle serait davantage adaptée à ce type de risques.
Sur la question des RPS, l’Europe ne prévoit en effet aucune législation, mais le lancement d’une campagne gérée par l’EU-Osha (agence européenne en santé-sécurité au travail) et la publication d’analyses de risques ou d’opinions. Une initiative qui avait été jugée insuffisante par plusieurs acteurs européens lors d’un congrès organisé par l’EU-Osha le 5 juillet 2021.
Olivia Fuentes actuEL HSE – Editions Législatives
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