Attention aux yeux ! Dans un rapport publié le 5 septembre (en anglais, traduit en français ici), l’OIT et l’IAPB invitent les entreprises à mieux prévenir l’exposition de travailleurs aux dangers oculaires sur le lieu de travail, préserver la santé actuelle des yeux des travailleurs et inclure la perte naturelle de la vue des travailleurs dans l’évaluation des risques. Selon ces institutions, 3,5 millions de lésions oculaires surviendraient chaque année sur le lieu de travail. Et environ 143 millions de personnes en âge de travailler vivraient avec une déficience visuelle modérée ou sévère, laquelle réduirait de 30 % leurs chances d’employabilité.
« Soutenir la santé oculaire des travailleurs présente de nombreux avantages pour les gouvernements, les employeurs et les travailleurs, avancent l’OIT et l’IAPB, notamment un meilleur bien-être des travailleurs, de meilleurs résultats en matière de sécurité et une productivité accrue. » Un simple achat de lunettes à faible coût, offertes à des cueilleuses de thé en Inde souffrant de presbytie modérée (diagnostiquée grâce à des tests standards), aurait par exemple augmenté la production de 20 %, selon une étude de cas de 2018 rapportée par les auteurs. « Plus de 90 % des cas de déficience visuelle [pourraient] être évités ou traités grâce à des interventions existantes et très rentables », estiment-ils.
« Les risques pour les yeux et la vision se retrouvent dans presque tous les lieux de travail intérieurs et extérieurs, ainsi que dans tous les secteurs de l’économie primaire, secondaire et tertiaire », soulignent l’OIT et l’IAPB. La construction, l’industrie manufacturière ou l’agroforesterie sont par exemple concernés par les risques mécaniques (particules solides qui pénètrent l’œil à grande vitesse ou à haute température), les risques chimiques et biologiques (particules liquides ou gazeuses qui entrent en contact avec les yeux) ou encore les risques liés à l’exposition au rayonnement non ionisé (NIR), ceux liés à la lumière du soleil, aux sources lumineuses artificielles, lasers, lampes germicides, etc.
Dans le tertiaire, l’OIT et l’IAPB notent que la lumière bleue ou d’éventuels reflets sur les écrans d’ordinateur peuvent entrainer l’interruption du rythme circadien (horloge interne jouant un rôle dans le sommeil ou l’alimentation), des maux de têtes, une fatigue ou une sécheresse oculaire. S’ajoute un risque ergonomique : une distance statique entre les yeux et l’écran peut provoquer des troubles musculo-squelettiques (TMS), comme des douleurs au cou et aux épaules. « Imaginez-vous tenir une tasse de café ou un verre d’eau dans votre main, le bras tendu parallèlement au bureau supportant l’ordinateur, imagent les auteurs. Au début, le poids d’une tasse pleine peut ne pas sembler énorme, mais après quelques instants, le poids statique peut devenir difficile à porter […]. Ce même phénomène peut se produire avec vos yeux. »
Même si « inévitables dans certaines situations », les équipements de protection individuelle (EPI) seraient « la mesure la moins efficace » pour prévenir ces risques oculaires. L’OIT et l’IAPB estiment que « l’EPI ne contrôle pas les dangers à la source (les particules métalliques sont libres de heurter et de briser les lunettes de protection) » et que l’utilisation des EPI « dépend de facteurs humains, c’est-à-dire de la capacité de chaque individu à effectuer certaines tâches/fonctions, comme dans le cas de la buée sur les lentilles, qui nuit à la clarté visuelle ». Les auteurs prennent l’exemple d’un soudeur qui « pourrait ne pas soulever assez rapidement son masque portatif et s’exposer accidentellement à un arc électrique ».
Par ordre de priorité, selon les grands principes de prévention, l’OIT et l’IAPB préconisent plutôt de supprimer le danger à la source (remplacer la soudure par du collage ou des attaches par exemple), le réduire (troquer l’éclairage à incandescence par des diodes électroluminescentes pour les risques NIR par exemple), isoler les travailleurs du danger (améliorer les outils avec des protections détournant les particules volantes et fines par exemple) et changer la manière dont le travail est effectué.
Par exemple, au bureau, l’OIT et l’IAPB recommandent d’appliquer la règle 20-20-20, qui obligent les travailleurs exposés à la fatigue oculaire numérique à détourner le regard toutes les 20 minutes, pendant 20 secondes, à 20 pieds (6 mètres) de distance. La mise en place d’écran anti-éblouissement ou l’installation d’un système d’exploitation capable de modifier automatiquement la lumière bleue au coucher et au lever du soleil est également conseillée.
Deux annexes utiles aux préventeurs
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En guise de vade-mecum, le rapport contient deux annexes semblables à des fiches pratiques. L’une détaille les risques oculaires sur le lieu de travail, les secteurs concernés par les types de risque et les accidents et pathologies associés. L’autre relate en détail les actions préventives à mettre en place et présente des exemples précis selon les outils, machines et secteurs concernés. Pour une réponse SST complète, l’OIT et l’IAPB conseillent de mettre en place par ailleurs des formations, des inspections régulières et une amélioration en continue des mesures de sécurité oculaire « en intégrant les commentaires des travailleurs et en restant informé des meilleures pratiques et de progrès de la technologie de protection oculaire ». |