Le 14 novembre 2023, l’INRS a organisé une journée technique intitulée « Produits de consommation : du conteneur au commerce, quel risque chimique pour les salariés ? ». Les chaînes logistiques sont aujourd’hui longues avec une partie amont qui va des fournisseurs à la production, puis une chaîne aval avec du stockage et de la distribution jusqu’aux commerces et au final aux clients.
En aval, les volumes de marchandises sont de plus en plus morcelés dans des espaces de stockage de plus en plus restreints et les conditionnements sont de plus en plus proches du produit de consommation. De nombreux acteurs sont au contact de la marchandise (manutentionnaires, préparateurs de commandes, réceptionnistes, conducteurs, livreurs et vendeurs) et les interventions humaines sont de plus en plus nombreuses engendrant des contacts (cutanés et respiratoires).
Les bases de données Colchic et Scola permettent d’avoir une vision globale des expositions. En faisant par exemple, un focus sur les COV et les poussières inhalables et alvéolaires, entre 2012 et 2022, pour le secteur du commerce, certaines VLEP sont dépassées, notamment concernant les poussières.
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Des substances dangereuses présentes dans les produits et les emballages
Frédéric Saltron du Service Commun des laboratoires du Ministère de l’Économie (réseau de laboratoires officiels d’État avec deux principaux donneurs d’ordre : DGDDI* et DGCCRF) rappelle les enjeux du contrôle officiel des produits non alimentaires. L’objectif est de garantir la sécurité et la protection des consommateurs pour une typologie de produits très variée : jouets, emballages alimentaires, produits d’hygiène, cosmétiques, textiles, cuirs, etc.
Les contrôles (voir encadré) ont pour objet la vérification des risques physiques (écrasement, pincement, inflammabilité, solidité des coutures par exemple) et des risques chimiques. Concernant ces derniers, les substances chimiques testées sont diverses, avec par exemple les perturbateurs endocriniens qui sont potentiellement présents dans de nombreux produits.
Mais certains composés à risque sont particulièrement testés sur certains matériaux ou produits : le chrome VI pour les cuirs, les colorants azoïques pour les textiles, le cadmium et le nickel pour les bijoux ou encore le bisphénol A, les plastifiants et les allergisants pour les jouets.
Céline Dubois de l’Anses présente les résultats d’une étude biomédicale dont l’objectif était de tester la faisabilité d’une méthodologie d’investigation des cas d’allergie ou d’intolérance cutanée. Celle-ci vise à caractériser l’existence d’une relation d’association entre une dermatite allergique et la présence de substances chimiques dans un textile d’habillement ou un article chaussant.
Cette étude biomédicale a été ajustée grâce à des résultats de tests de 2014 qui ont identifié certaines substances chimiques irritantes ou sensibilisantes cutanées dans les articles chaussants et textiles d’habillement (colorant allergène dans du textile, colophane et 2-mercaptobenzothiazole dans des chaussures par exemple).
Dans un tiers des cas, la substance suspectée par le médecin comme étant à l’origine de l’allergie est bien celle détectée dans l’article. Pour ces patients, il est donc possible en connaissance de cause d’éviter une nouvelle exposition et donc une récidive des lésions.
Bien que dans presque la moitié des cas il ait été impossible de poser un diagnostic de lésions cutanées allergiques liées à un textile ou article chaussant, cette étude a notamment pour bénéfice de repérer l’inadéquation de certains seuils réglementaires et aussi de signaler des articles non conformes auprès de la DGCCRF.
Les problématiques liés aux commerces sont les suivantes : turn-over important des produits (présence permanente de produits neufs), fort pouvoir émissif de produits manufacturés neufs (notamment des COV), taux de charge élevé (selon le ratio du volume de produits et du volume d’air). Laurence Robert de l’INRS et Catherine Bougie, inspectrice du travail, partagent les résultats du projet Esquisse qui avait pour but d’analyser la présence de composés chimiques dans l’air dans différents endroits des commerces (espace de vente, caisse, espace de stockage, bureaux).
Dix commerces ou stockage de différentes tailles (de 300 à 76 000 m2) avec différents produits stockés ont participé à cette étude. Des prélèvements d’air ambiants ont été réalisés (mesures sur une journée dans au moins 5 localisations du commerce). Ont été quantifiés des aldéhydes, des hydrocarbures aromatiques et des COV. Il en ressort d’abord une signature chimique spécifique à chaque produit commercialisé.
À titre d’exemple : des hydrocarbures pour les véhicules, du toluène pour les articles chaussants et des siloxanes (imperméabilisants pour tissu) pour les articles de sport, l’habillement et l’ameublement. Est aussi noté une occurrence systématique de certains COV comme le toluène, le formaldéhyde ou l’hexanal (notamment dans les zones de stockage). Si les concentrations mesurées sont inférieures aux VLEP, elles sont parfois proches des seuils olfactifs.
Catherine Bougie rappelle que « la valeur limite d’exposition est un indicateur de prévention » et que « l’objectif, c’est d’être largement en dessous de la valeur limite et d’être le plus proche de zéro possible ». Si elle assume « provoquer un petit peu en disant ça », elle insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un « droit à prendre jusqu’à la valeur limite d’exposition ». Elle rappelle qu’il faut éviter le risque au maximum donc substituer, et si ce n’est pas possible, mettre en place des protections collectives (ventilations par exemple).
Un produit de consommation sur cinq contiendrait des substances chimiques dangereuses réglementées
Selon des informations publiées par l’ECHA en décembre 2023, des niveaux excessifs de substances chimiques dangereuses, tels que le plomb et les phtalates, ont été relevés dans des produits vendus aux consommateurs. Au total, 18 % des produits inspectés étaient en infraction avec la législation européenne. 2400 produits ont été contrôlés dans 26 pays de l’U en 2022, par les autorités nationales. Les types de produits les plus fréquemment en infraction sont les suivants :
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*DGDDI : Direction Générale des Douanes et Droits Indirects et DGCCRF : Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.