Le 14 novembre dernier, l’INRS a organisé une journée technique consacrée à l’exposition chimique des salariés en contact direct avec les produits de consommation neufs tout au long de leur chaîne d’approvisionnement vers le consommateur.
La fabrication industrielle des biens de consommation (chaussures, meubles, vêtements, etc.) requiert l’utilisation de produits chimiques qui peuvent se retrouver tout au long de la chaîne logistique, en particulier dans les lieux d’entreposage. Au danger déjà identifié de la fumigation lors du transport en conteneur, s’ajoute celui plus insidieux du risque des polluants dégagés par ces produits. Ainsi, en premier lieu se pose la problématique de l’exposition des salariés lors de l’ouverture des conteneurs de marchandises. Avant d’ouvrir un conteneur il faut prendre des mesures spéciales de prévention.
Ainsi, l’INRS fait le point sur l’exposition chimique des salariés travaillant au contact des conteneurs, une réalité mal connue qui concerne pourtant plusieurs postes de travail concernés par leur ouverture : dockers, douaniers, manutentionnaires, les opérateurs de plateformes logistiques ou encore les salariés des entreprises de maintenance ou de nettoyage.
Les fournisseurs sont souvent à l’étranger et la marchandise est transportée en conteneurs par bateau puis par camion jusqu’à l’entrepôt. Or, tous les conteneurs sont susceptibles de contenir des gaz toxiques qui peuvent provenir des sources suivantes :
- la fumigation : c’est une opération consistant à introduire un gaz toxique dans un conteneur afin d’éliminer les insectes, larves, rongeurs, champignons et autres nuisibles. Un des gaz couramment utilisés en fumigation est la phosphine (PH3), produite lors de la réaction de l’eau contenue dans l’humidité de l’air avec des sachets de phosphure métallique. Des résidus de fumigation potentiellement toxiques peuvent rester encore présents dans le conteneur, il faut donc être particulièrement vigilant lors de leur dépotage ;
En France l’utilisation du bromure de méthyle est interdite mais il est possible de l’importer via des conteneurs.
- le relargage de la marchandise : dans la majorité des cas le relargage de produits toxiques provient du non-respect d’un process de fabrication. Ces gaz sont issus des solvants utilisés lors de la fabrication des produits importés. On trouve beaucoup de composés organiques volatils (COV) comme le toluène, le formaldéhyde, etc. (certaines marchandises sont bien connues pour relarguer beaucoup de produits toxiques : chaussures, maillots de bain, meubles et scotch).
Un état des lieux a été fait par l’EWS Group, qui fournit divers services spécialisés dans le cadre de la lutte antiparasitaire et de la fumigation, suite au contrôle de plus de 500 000 conteneurs. Il en ressort qu’en Europe :
- 11% des conteneurs présentent une pollution dépassant les VLE ;
- 26 % des conteneurs sont à risque (en fonction de la température on peut passer d’un conteneur à risque à un conteneur pollué en fonction des propriétés des gaz présents dans le conteneur) ;
- ce sont les conteneurs contenant chaussures et tanneries qui sont les plus pollués et à risques ( 21% pollués et 33% à risques).
Il existe un risque médical lors du déchargement des conteneurs en raison de l’exposition possible à des gaz dangereux pour des millions de salariés en France. Les effets sur la santé sont en lien avec :
- les propriétés de la substance ;
- sa concentration ;
- la durée de l’exposition ;
- la nature de l’exposition : aigue ou chronique (attention aux effets à long terme avec la toxicité aigüe et les propriétés CMR) ;
- la sensibilité individuelle ;
- la polyexposition.
Les organes cibles sont notamment :
- le système nerveux central et périphérique ;
- le système respiratoire (la voie de pénétration est principalement pulmonaire).
- d’autres organes (risques de cancers).
À notre que la phosphine est une des problématiques principales au regard de sa présence récurrente dans les conteneurs et de sa forte toxicité.
La prévention est primordiale, surtout que dans la logistique, un dépoteur va dépoter toute la journée et sera donc exposé tout du long du dépotage.
Suite à l’évaluation des risques, il faudra établir un protocole de déchargement comprenant notamment la ventilation des conteneurs et le port des EPI lors de l’ouverture du conteneur, lors de l’entrée dans le conteneur ou lors du déchargement. Pour les EPI, il s’agit de :
- protection des voies respiratoires ;
- masques et protection des yeux ;
- combinaison intégrale et gants pour protéger la peau.
La conduite à tenir en cas d’accident lors du déchargement est par exemple la suivante :
- arrêts des opérations avec mise en sécurité des salariés ;
- intervention avec protections respiratoires ;
- fermeture du conteneur et appels des secours pour la conduite à tenir ;
- déclaration et accident du travail.
Concernant le suivi médical, il existe le questionnaire Fum ex 2 spécialement sur les expositions aux fumigants qui pose des questions sur l’environnement professionnel du salarié et notamment sur le risque chimique, qui sera suivi d’un examen clinique (pulmonaire et neurologique). Les salariés fragilisés et les femmes enceintes font l’objet de suivi complémentaire.
Comment analyser les conteneurs ? Avant de détecter, il faut analyser les gaz pour savoir lesquels sont présents. Pour cela il existe différentes techniques de mesure :
- SIFT Selected ion flow tube ;
- Détecteurs ;
- Tubes colorimétriques ;
- FTIR (Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier).
La douane joue un rôle essentiel dans le contrôle des marchandises transportées par conteneurs. Dans ce contexte, la sécurité des agents qui contrôlent les conteneurs est un véritable enjeu sanitaire.
Les gaz toxiques des conteneurs sont des risques identifiés. Selon une étude réalisée dans le port du Havre, 64 % sont des COV, et le reste des substances toxiques (formol, phosphine, ammoniac, bromure d’éthylène, dichloroéthane etc).
La poussière lors du déchargement des conteneurs est également problématique et la cause de nombreuses plaintes de salariés se « mouchant noir » continuellement. Les détecteurs étant placés à l’entrée du conteneur, ils ne suivent pas les salariés au fond et donc les mesures ne sont pas fiables.
A noter également, l’atmosphère appauvrie avec moins de 4% d’oxygène qui est aussi toxique et mortelle pour l’homme. Il peut arriver de renoncer à poursuivre un contrôle afin de protéger les agents !
Il est encore rappelé que l’analyse précède toujours le contrôle. On en distingue 4 étapes :
- Collecte d’informations sur la nature de la marchandise et sa dangerosité ;
Si le détecteur de gaz ne sonne pas, il peut être procédé immédiatement au contrôle. Si le détecteur de gaz sonne, alors il sera créé un périmètre de sécurité et une aération de la zone de contrôle, puis les opérateurs devront porter des masques avant de procéder au contrôle douanier une fois le taux de gaz abaissé. Il faut toujours être muni de détecteur de gaz fin de détecter d’éventuelles poches de gaz restantes.
Par exemple, dans le cadre d’un conteneur de déchets métalliques, le détecteur a signalé une atmosphère explosive et un fort taux de monoxyde de carbone. Au regard de ces risques le conteneur n’a pas été entièrement contrôlé.
Le transport de fruits implique un inertage pour baisser la température pour les conserver, cet inertage baisse le niveau d’oxygène ce qui devient mortel.
- Evaluation du conteneur et recherche d’indices (étiquettes de danger IMDG, état général du conteneur, indice de fumigation) ;
- Visualisation du chargement, via un endoscope industriel ;
- Détection de l’atmosphère via des détecteurs 6 gaz avec pompe intégrée qui est l’un des plus performants (oxygène, explosivité, monoxyde de carbone, sulfure d’hydrogène, phosphine, COV).
Lors du contrôle, il y a au moins toujours trois agents : un entrant dans le conteneur, un soutient qui l’assiste, et un chef d’équipe qui reste à l’extérieur.
En France, 5 millions de conteneurs ont circulé dans les ports en 2019. 20% de ces conteneurs sont à risque par rapport aux gaz toxiques. L’INRS rappelle que la ventilation est une des premières mesures de prévention des risques professionnels.
Il existe différents systèmes de ventilation pour prévenir le risque chimique :
- système d’entrebailleur après ouvrage de la porte ;
- ventilation à travers le joint de porte ;
- mise en place d’un portique contenant un système de soufflage et d’extraction de l’air ;
- remplacement d’une demi porte du conteneur par une demi porte contenant un système de soufflage ;
- système D locaux dans les entreprises.
Les démarches de prévention varient en fonction de l’évaluation des risques : s’il y a des risques avérés il faut mettre en place une ventilation mécanique, si les risques sont faibles, la ventilation naturelle peut être une option.
En synthèse, on peut retenir les points suivants :
- Il y a des risques d’exposition à des gaz lors des ouvertures des portes.
- Des détecteurs permettent d’indiquer en temps réel la présence de gaz dans les conteneurs (avant l’ouverture des portes et pendant les opérations de dépotage).
- Des courbes de décroissance de concentration peuvent être déterminés et confirment l’efficacité de la ventilation forcée (mécanique).
- Une amélioration de l’étiquetage des conteneurs maritimes fumigés permettrait de limiter les mesures. Sur ce point, l’OMI a mis en place une étiquette de danger « fumigation warning danger », qui est pourtant peu utilisée !
- Une action en normalisation permettrait de modifier les conteneurs maritimes afin d’y adapter plus efficacement un système de ventilation, voir de diagnostic de la qualité de l’air.
Les travailleurs des entrepôts de logistiques peuvent aussi être exposés à des risques (voir la brève de cette édition).
Des outils de l’INRS
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