Le CSE peut avoir recours à un expertise en cas de risque grave. Ce risque peut par exemple être révélé ou non par un accident du travail ou une maladie à caractère professionnel. Il peut aussi survenir en cas de projet important modifiant les conditions de travail ou d’hygiène et de sécurité…
Conditions préalable à l’expertise pour risque grave
Lorsque une telle expertise est demandée, le risque grave doit exister dans l’établissement, être identifié et actuel, et doit précéder l’expertise.le CSE ne peut se contenter de mentionner un risque général mais doit faire état d’éléments précis et concordants, comme par exemple la survenance de plusieurs accidents du travail liés à une cause commune.
Le recours à l’expertise doit faire l’objet d’un vote des membres du comité, à la majorité des présents. Le chef d’entreprise, bien que président du comité ne vote pas.
Qui supporte les frais d’expertise ?
Les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur.
Un risque grave existant depuis longtemps peut-il faire l’objet d’une expertise ?
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser la notion de risque actuel. En 2017, un employeur s’est opposé à une expertise en prétextant que le risque était ancien, et ne pouvait donc être actuel. La Cour de cassation n’a pas retenu l’argument, mais indique au contraire, que bien que ce risque soit ancien, les difficultés avaient perduré, et le risque demeurait donc actuel.la Cour de cassation a estimé qu’un ce risque peut exister depuis plusieurs mois. Il est cependant nécessaire qu’il n’ait pas cessé. Cour de cassation, chambre sociale, 17 avril 2019, n° 18-11.558 (expertise pour risque grave suite à des RPS survenus dans le passé)
Une délibération du CSE qui doit être en lien avec l’ordre du jour de la réunion
Pour être valable, une délibération du CSE doit porter sur un point qui figure à l’ordre du jour de la réunion ou qui est en lien avec une question inscrite à l’ordre du jour
Il est prudent pour un CSE de s’en tenir à cette règle lorsque la délibération est susceptible d’être contestée par l’employeur.
Recours à l’expert habilité pour risque grave : le CSE doit présenter des éléments objectifs
Dans une ordonnance rendue en la forme des référés le 12 décembre 2019, le Tribunal de grande instance (TGI) de Paris a jugé bien-fondé une délibération du CSE actant le recours à un expert habilité pour risque grave aux frais de l’employeur, dès lors que l’existence d’un tel risque était démontrée par des éléments objectifs (TGI Paris, 12 déc. 2019, n° 19/58449).
Le CSE ne peut pas décider le recours à un expert habilité aux frais de l’employeur pour identifier un risque, éventuel ou supposé, dont il ne serait pas déjà en mesure de démontrer l’existence. L’instance ne peut valablement recourir à une telle expertise que pour apprécier les conséquences et définir les modalités de gestion d’un risque existant et d’ores et déjà démontré.
Contestation par l’entreprise de l’expertise pour risque grave
Le vote d’un CSE en faveur d’une expertise pour risque grave constitue un moment délicat pour l’entreprise. Il place l’entreprise face à des choix importants, notamment celui de la contestation de l’expertise et du sujet de cette contestation.: que répondre aux élus ? La contestation est-elle opportune ? Sur quel sujet doit-elle porter ? Quand faut-il l’exercer ?
Comment engager la contestation ?
Le délai de contestation
La loi du 8 août 2016 dite El Kohmri fixe un délai de contestation à 15 jours à compter de la délibération du comité. Ce délai a été porté à 10 jours par l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017. Par une décision publiée au bulletin du 6 juin 2018 (pourvoi n° 17-17.594), la chambre sociale a considéré que le tribunal était valablement saisi par la délivrance de l’assignation. Pour l’entreprise, la prudence conduit à placer cette assignation dans un délai de dix jours.
L’objet de la contestation
Les dispositions de l’article L 2315-86 du code du travail prévoient la possibilité de contester la nécessité de l’expertise, le choix de l’expert, ainsi que le coût, l’étendue ou la durée de l’expertise. Mais concrètement, l’employeur qui ne contesterait pas le principe de l’expertise, mais seulement son étendue ou son coût prend un risque de rejet de la contestation.
L’issue de la contestation
Les contestations portent souvent sur l’évaluation de la gravité du risque. Comment qualifier un risque de « grave » ?
La notion de risque grave est en réalité très subjective. Pour certaines juridictions, une ou deux altercations entre un salarié et son supérieur hiérarchique révéleraient l’existence d’un risque grave. D’autres juridictions sont plus exigeantes et s’attachent à une analyse des pièces et à une vision plus concrète des risques allégués au sein de l’établissement concerné. Il est compréhensible que la notion de « risque grave » ne soit pas encadrée par des critères trop précis ou trop rigides, notamment avec l’émergence des risques psychosociaux. Cette difficulté rend l’issue des contestations incertaines.
Les préconisations de l’expert
Qu’elle aboutisse ou pas, une demande d’expertise du CSE constitue un signal fort adressé à l’employeur. Si l’expertise est réalisée, l’entreprise devra travailler dans les meilleures conditions possible avec l’expert et prendre en compte de ses préconisations.