En France, l’exposition au risque chimique concerne chaque année plus de 2 millions de salariés, soit 10% de la population active, tous secteurs d’activités confondus (selon la Carsat)
Dans le but de réduire le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles liés au risque chimique, les deux caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) d’Aquitaine et de Poitou-Charentes et les services de prévention et de santé au travail (SPST) des Landes, de Gironde et de Corrèze-Dordogne ont collaboré pour co-construire un escape game pour comprendre et prévenir ce risque. Lors du salon Preventica Toulouse, les protagonistes ont présenté le fruit de leur travail et ses premiers résultats.
Cet outil, dévoilé en mai 2022, se voulait immersif et ludique. Il avait pour objectifs de sensibiliser à la présence du risque chimique, de moderniser la communication et d’innover sur la sensibilisation. Pour y parvenir, les Carsat et les SPST ont fait appel à Tricky, entreprise spécialisée dans la création de serious games au service de la prévention.
Quatre étapes de création ont ensuite été nécessaires : le cadrage du projet pour définir un cahier des charges, la mise en production de l’escape game, la phase de test afin de vérifier que le dispositif réponde aux attentes et aux besoins, et enfin la partie de formation et de déploiement du jeu.
Concernant le contenu pédagogique, le groupe de travail a décidé de ne pas multiplier les sujets. Ainsi, à la sortie de l’escape game, les travailleurs doivent être capables d’identifier les produits chimiques (naturels, émis, étiquetés), de connaître les différentes voies de pénétration et les effets sur la santé, et d’identifier les moyens d’agir sur le risque chimique (équipements de protection collective et individuelle (EPC/EPI), évaluation du risque, plan d’action).
Chaque session d’escape game, qui peut accueillir jusqu’à quatre salariés, dure 1h45 au total. Pour Soline Vende, Customer Success Manager chez Tricky, le dispositif permet « l’évaluation des connaissances et des croyances avant et après ». Pendant une immersion d’une heure, les travailleurs plongent dans un SAV (service après-vente). Ils vont à la rencontre de salariés qui présentent des difficultés face à des produits chimiques. Le but est de leur donner des solutions sur des métiers tels que garagiste, ébéniste, soudeur ou peintre.
Dans un second temps, un debriefing de 45 minutes est réalisé pour revenir sur les éléments pédagogiques. Soline Vende rappelle que « le jeu amorce la discussion sur le sujet et permet de se poser les bonnes questions, d’échanger sur les EPC et EPI, de creuser les freins à leur adoption » (manque de formation, manque de disponibilité des équipements, etc.).
Dernier point du jeu, à l’issue de l’escape game, des actions sont proposées à l’entreprise pour améliorer sa situation en matière de prévention du risque chimique. Un rapport qui dresse le bilan de la formation lui est également remis.
Selon Benoit Atge, médecin du travail et toxicologue au sein de l’AHI33, il y a eu « un engagement fort des salariés avec un public très divers » (petites et grandes entreprises, secteurs d’activité différents, hommes/femmes). Pour lui, « l’évaluation avant/après est assez rare dans les actions de sensibilisation et c’est un point fort de l’outil ». Il note aussi une amélioration des résultats en matière d’accidentologie liée au risque chimique à la suite de l’action de prévention.
L’escape game a permis dans de nombreux cas de mettre en place des actions concrètes. Benjamin Lamarque, intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP) chez Prévention Santé Travail (PST) Landes, nous donne l’exemple du déploiement du « prélèvement des fumées d’échappement dans un atelier mécanique ».
Par ailleurs, 80 apprentis des compagnons (organisme de formation professionnelle du bâtiment) ont été formés grâce à l’escape game. Ils ont découvert les spécificités du risque chimique et ont identifié des situations à risque sur le terrain telles que la présence de peinture plombée au niveau des fenêtres d’un château. Pour faire perdurer cette démarche dans le temps, la Fédération Compagnonnique a signé un partenariat annuel permettant de sensibiliser ce jeune public au risque chimique avec l’escape game.
Jusqu’à présent, l’outil rencontre un franc succès avec un score de satisfaction moyenne des participants qui s’élève à 9,2/10. Pour Patrick Bardet, ingénieur conseil régional au sein de la Carsat Aquitaine, l’outil est concluant. Il affirme : « avant je devais appeler les directeurs d’Ehpad et maintenant c’est eux qui m’appellent pour faire l’escape game ». Il qualifie la démarche comme ayant « des objectifs modestes ». En effet, l’intention est de « faire passer seulement quatre ou cinq messages mais qui doivent être ancrés à la fin de la session ».
En résumé, ce dispositif permet de prendre conscience du risque chimique, d’agir sur les résistances au changement et d’encourager de nouvelles pratiques. Il vient déconstruire les idées reçues sur les produits chimiques et leur exposition.
Pour les entreprises intéressées par cette animation, elles peuvent contacter leur SPST. En Nouvelle-Aquitaine, l’escape game est disponible dans trois SPST (AHI33, PST des Landes et SPST19-24).